Page 29 - Science d'Hermès
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L'ultime sagesse consistera peut-être à comprendre que l'Oeuvre
s'accomplit d'elle-même. « Instruments dans la main des Anges », nos
destinées devancent, dans les nues inconnues, nos espérances les
plus folles et nos plus farouches volontés.
Ces idées ne sont obscures que dans l'absence d'une véritable
compréhension des Symboles. La symbologie demeure lettre morte
pour autant que l'on demeure incapable de la situer dans une
perspective métaphysique où elle prend sens, comme un miroir
embrasé par le soleil tournant de l'Oeuvre. La procession liturgique
des « Œuvres » de l'Alchimie trouve sa correspondance et donc sa
signification dans cet ordre intellectuel universel évoqué par René
Guénon dont l'expression historique et géographique la plus
proche de nous est le Moyen-âge. L'architecture religieuse est la
trace immanente de la perspective métaphysique. La beauté, la
justesse, la sérénité, l'amicale familiarité de l'architecture romane
invitent celui qui la découvre à une méditation lumineuse sans fin.
Mais ce qui déjà nous ravit, par la simple intuition, il faut encore, si
nous voulons entrer dans la connaissance de la tradition, tâcher
d'en comprendre l'architecture métaphysique. Il y a
indubitablement un « air » propre aux sites médiévaux. A moins
d'être insensible à toute impression esthétique ou poétique, il est
impossible de ne pas être gagné par un sentiment d'intemporalité,
de légèreté profonde. Ce sentiment dépend lui-même d'une pensée,
au sens où la pensée est étymologiquement la juste pesée dans
l'auguste science des correspondances. La légèreté que nous font
éprouver certaines architectures religieuses naît de l'équilibre de
leurs formes. Or, qu'est-ce que l'équilibre des formes sinon la
conquête savante de l'apesanteur ? Lorsque les lignes et les
volumes s'accordent en d'exactes résolutions pythagoriciennes,
l'âme s'allège, la matérialité est vaincue et littéralement terrassée.
Ainsi, l'architecture sacrée a pour dessein non de s'harmoniser
avec le monde, mais de vaincre le monde, de même que
l'Alchimiste, en oeuvrant au Vaisseau philosophal, aura pour
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