Page 24 - Science d'Hermès
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la plus pure tradition. Dans le tréfonds de la nature interrogée avec
passion, nous retrouvons, par le génie de l'Art, les réfractions de
« l'au-delà de tout » qui portent l'Alchimie à une dignité
métaphysique supérieure à toute cosmogonie.
Ce qui est en jeu dans l'Alchimie appartient au cosmos, mais
appartient aussi à la transcendance. Le cosmos, pour l'alchimiste,
est transfiguré par la visitation du Verbe: « Celui qui interroge la
nature, écrit Origène, et celui qui interroge les écritures aboutiront
nécessairement aux mêmes conclusions... » Encore faut-il que
l'interrogation soit d'ordre herméneutique et non un interrogatoire
policier. Entretien infini du Quêteur de Sens avec l'écriture et le
monde et non sommation inquisitoriale ! Là où la science profane
dénombre et utilise, la science traditionnelle déchiffre et contemple.
Déchiffrement et contemplation culmineront toujours dans la
célébration et le chant. « Ta Gloire, ô Christ, écrit Grégoire de
Naziance, c'est l'homme que tu as posé tel un chantre de Ton
Rayonnement. »
Oeuvre de glorification de l'être, l'Alchimie, dans l'exactitude
même des opérations qu'elle requiert, dans l'exigence de ses
spéculations, participe ainsi, par essence, d'un acte religieux.
Gnose, au sens le plus radical, c'est-à-dire le plus proche de la
racine de la connaissance, l'Alchimie, par l'identité qu'elle présume
entre le Livre et le Monde, accomplit, sur le « feu tournant » qui
révèle successivement les états cachés de la substance, une véritable
procession liturgique qui consacre, et sauve de l'insignifiance et de
l'oubli, les espaces et les temps qui participent de son passage. Le
cosmos qui, ainsi que l'écrit Jean Biès, « est à la fois ordre et parure »,
est redimé par l'œuvre alchimique qui fait de la parure l'essence de
toute oeuvre d'art promise par la rencontre de l'homme et de Dieu
et de l'ordre, un ordre sacré.
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