Page 51 - Science d'Hermès
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Si quelques ambitions président à cet ouvrage, la première
d'entre elle serait de délivrer autant que possible les belles
procédures opératives des alchimistes du pathos et de la médiocrité
« occultiste », pour ne rien dire de l'abominable « New Age ».
L'occultisme ne serait-il pas en dernière analyse la mauvaise humeur
propre au narcissisme malheureux ? L'alchimiste est un mystique
pragmatique. Son « moi » ne le préoccupe pas outre mesure car il
sait que seule importe la rencontre du temps et de l'éternité, la
seconde magique où l'éternité coupe verticalement le temps. Comment
se préoccuper de son « moi »,- comme le font les psychanalystes et
les occultistes modernes,- lorsque l'on sait que le « moi » n'existe
pas, que nous sommes voyageurs odysséens en des réseaux
d'analogies et de Symboles ?

      L'Alchimie est une science dans la mesure où elle n'est pas
une croyance, et elle est une science sacrée dans la mesure où elle
dépasse l'utilitarisme. L'Alchimie, au lieu de se perdre en
représentations abstraites va droit aux choses elles-mêmes. La
connaissance absolue qu'elle poursuit passe par le jeu des éléments
et les expérimentations variées et la songerie amoureuse.
L'alchimiste face à son Oeuvre instaure un rapport au monde où le
centre n'est plus son « moi », son humanité, ou quelque autre
appartenance que l'on voudra, mais l'étincelle née de la rencontre
du monde et de l'entendement humain. Le vrai n'est pas dans le
« moi », le vrai n'est pas dans le monde mais dans « l'étincelle d'or »,
la seconde magique de la rencontre, l'escarbille soudaine qui, par la
justesse de l'idéogramme qu'elle trace dans l'air, va illuminer la
réalité dans la recouvrance de sa réalité aurélienne.

      A cet égard l'Alchimie figure dans un registre philosophique
fort éloigné de l'humanisme moderne qui préside actuellement aux
destinées du « progrès » scientifique, voué selon la formule de
Simone Weil que nous citions précédemment « à réussir aussi bien
entre les mains des fous que des criminels ». Et c'est en effet ce que nous
voyons. La faiblesse de l'humanisme moderne, qui se revendique

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