Page 19 - Science d'Hermès
P. 19

métamorphoses, si déroutantes pour l'esprit schématique, sont, en
Alchimie, le principe du « feu de roue » qui, à l'intérieur comme à
l'extérieur de la matière alchimique, va révéler la multiplicité des
états de l'être. L'être ne se réduit pas à un seul état comme
l'imaginent les théories mécanistes ou matérialistes, de même
qu'un texte ne se réduit pas à une seule interprétation définitive. Le
feu de roue embrase successivement les aspects du réel, de même
que la sagesse du Midi, comme l'écrit Michel Maier dans L'Atalante
fugitive: « domine toutes choses, pénètre à droite jusqu'à l'Orient, à
gauche jusqu'à l'Occident, et embrase la terre entière. »

      Le labyrinthe est le cheminement du chevalier de l'Art Royal,
car la réalité même est tissée et notre intelligence humaine, telle une
rosée matinale, repose sur l'entrecroisement des fils. Tout à tour
eau aérienne, eau divine, eau de l'abîme, eau ardente, l'intelligence
alchimique entre dans le tissu du monde, art subtil par excellence
et par étymologie, où l'exigence poétique retrouve la langue des
oiseaux. L'homme qui se consacre à cette connaissance sera, selon
l'admirable formule de Milosz, ami, à l'instar de Novalis, des
modalités les plus subtiles de l'être: « un instrument dans la main des
Anges ». Une autre logique se fait jour en révélant le jour secret
enclos dans la nuit de la Parole Délaissée, une logique, non plus
titanesque, mais divine. Ouverte sur l'histoire sacrée, elle est
confiance et non plus arrogance, consentement à la discrète
diaprure des choses reposant dans le mystère de l'être, comme à
l'abri des forêts, et non plus éclairage artificiel tel que voulut
l'imposer le rationalisme moderne. « Avant d'entreprendre la grande
conquête du Ciel, écrit encore Milosz, il nous faut donc apprendre à
considérer notre chère Raison non comme une qualité indépendante, mais
seulement comme le complément d'une puissance intérieure obscure
jusqu'à ce jour et inévoluée. » Le Verbe est cette puissance intérieure
que Milosz définit comme « quelque chose de doux, de profond, de
tendre, quelque chose d'énorme et d'infinitésimal, rompant la monotonie
patiente. » Ni ceci donc, ni cela, expérience de la contradiction vécue

                                                                      19
   14   15   16   17   18   19   20   21   22   23   24