Page 57 - Science d'Hermès
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comme dans un labyrinthe. Toutefois, pour l'alchimiste, comme
pour le spectateur, le labyrinthe se crée au fur et à mesure que l'on
s'y aventure. Tout est dit, ordonné par des Principes qui échappent
aux déterminations humaines. Le Mystère théâtral et le Mystère
alchimique sont, comme en témoignent les oeuvres de Goethe, de
Milosz, ou d'Artaud, un seul et même Mystère. La pièce de théâtre
de Raymond Roussel Poussière de Soleil, est un autre exemple de
cette tentative d'entraîner le spectateur dans le labyrinthe
métaphysique de la présence. Lorsque le théâtre accomplit le
dessein alchimique, il cesse d'être représentation pour devenir pure
présence. Tous les auteurs et tous les spectateurs qui ont quelque
peu le sens du sentiment religieux savent que la célébration du
magistère théâtral suscite l'existence d'une temporalité pure,
miroitante, sans autre détermination. Ce qui est dit résonne dans la
profondeur d'un espace qui n'est autre que temps ramené à son
originelle forme sphérique. Chaque point du temps est alors à égale
distance de la présence qui est le centre de la sphère; et ce centre est
là, à la fine pointe de la chose dite, saisie à l'instant même où elle va
s'évanouir par la pensée de celui à qui elle est adressée.
Qu'il soit clair, une fois pour toute, que nous sommes plus
près de l'essence du Grand-Œuvre dans le grand songe limpide
d'une pièce de Racine que dans des manipulations, fussent-elles
« homéopathiques » des laboratoires pharmaceutiques ! Délivrer
l'imagination alchimique des pesantes banalités de l'occultisme ou
du scientisme, c'est aussi, c'est aussi délivrer l'Oeuvre de la
tentation des usages médiocres. Le Grand-Œuvre ne sert à rien et
ne sert personne. Il est simplement ce qui donne à notre vie son
orientation, son sens, son intensité et sa beauté où se rejoignent le
rêve et l'ivresse, c'est-à-dire Apollon et Dionysos, que nous savons
être, depuis Nietzsche, les divinités tutélaires du théâtre. De même
nous verrons, dans la magnifique conjugaison des contraires
propre à l'Alchimie, les formes sculpturales du Songe être animées
par les mouvements de l'ivresse, par l'impétuosité printanière des
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