Page 16 - Science d'Hermès
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contraire se fonde sur l'être. L'être, pour l'alchimiste, précède le
temps, quelque déroutante que puisse paraître la formule. Par son
oeuvre, l'Alchimiste transfigure le plomb du temps en or du temps,
et chaque seconde qui passe, loin de s'abîmer dans le néant, devient
éternelle. Pour l'alchimiste, le passé est du temps éternisé, l'or du
temps gagné par l'incorruptibilité essentielle que l'expérience du
moment présent confère au moment passé. En un mot, pour
l'alchimiste, rien ne passe, tout demeure. Les « œuvres » se
succèdent, non en se niant les uns les autres mais dans
l'approfondissement d'un même dessein. L'Idée revient sans cesse
dans les traités de Jacob Böhme, de Paracelse ou de Maître Eckhart:
les profondeurs de la matière première recèlent l'étincelle du feu
secret et c'est dans le tréfonds de notre âme que scintille l'éclat divin
dans sa plus grande puissance embrasante et lumineuse. Les
diverses opérations de l'Alchimie sont là pour révéler la
profondeur lumineuse de la substance, sa richesse cachée. La
somptuosité des pierres est au cœur des pierres. La lumière n'est
pas à la surface mais à l'intérieur. La voie ésotérique, la voie qui
mène à l'intériorité est, par excellence, chromatique et musicale. La
traversée odysséenne vers le cœur, vers le feu central de l'être dont
nous attendons la transmutation, se traduit par la naissance des
couleurs. Le Vaisseau alchimique est d'abord un microcosme
versicolore. Ce monde de plomb où nous vivons, où tout est si
terriblement opaque et lourd, il ne tient qu'à nous d'en transmuter
la substance par la connaissance des profondeurs. Ainsi le vocable
alchimique VITRIOL, qui désigne la nature mercurielle du
dissolvant universel se laisse comprendre en acrostiche: « Visita
Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem » (Visite
l'intérieur de la terre, en rectifiant tu trouveras la Pierre cachée).
La discrète diaprure des profondeurs
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