Page 15 - Science d'Hermès
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Le sens du secret, qui fait si cruellement défaut aux modernes,
se confond avec le sens du Symbole. Entrer dans le secret
alchimique, c'est entrer, par la contemplation, dans la réalité
métaphysique du Symbole. Celui qui entre dans la métaphysique
du Symbole s'éveille. Le Symbole est ce qui relie la nature à la
Surnature, le temps linéaire au temps sphérique ou encore à ce
mystère qu'André Breton nommait « l'or du temps » et qu'il faut bien
opposer au plomb du temps qui caractérise la vie quotidienne. De
même qu'il existe un langage alchimique qui diffère du langage
utilitaire par l'attention méditative qu'il porte aux mots et aux
choses, de même, il existe une temporalité alchimique qui change
le temps en éternité. Le langage alchimique est un langage
héraldique qui nous invite à la contemplation des essences à travers
les Figures. Blasonnée, la réalité apparaît, à travers les mots, dans
l'intensité propre au juste regard poétique et philosophal. Les mots,
au lieu de disparaître dans l'information qu'ils transmettent comme
il advient dans le langage profane, vont poursuivre leur existence
de façon, dirai-je, extatique. Délivrés de leur fonction utilitaire, de
leur servitude, retrouvant leur noblesse primordiale toute
rayonnante des fastes armoriaux de l'étymologie, les mots
recomposent ce monde que les alchimistes nomment le monde
philosophal et qui est tout autre chose que le monde philosophique
des Modernes. Ce langage alchimique, si différent du langage
profane, s'inscrira, de toute évidence, dans une conception du
temps aussi différente que possible de celle qui prévaut
actuellement. Dans le temps profane, le moment présent est détruit
aussitôt que perçu et le passé n'est fait que des sombres décombres
du temps détruit. Toute l'énergie humaine est alors mobilisée par
le futur, qui est pure inexistence.

      Une telle conception du temps est sans doute l'expression la
plus parfaite du nihilisme: le passé n'existe plus, l'avenir n'existe
pas encore et le présent est détruit aussitôt que perçu, autant dire
que nous sommes néant dans le néant. Le temps alchimique au

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